Vous prescrivez des exercices pour l’arthrose du genou ? Et s’ils étaient inefficaces… voire sous-optimaux ? Découvrez ce que la science recommande vraiment !
🧠 Cas clinique qui interpelle
Mme Dupuis, 64 ans, arrive au cabinet pour une douleur persistante au genou droit. Diagnostic confirmé : arthrose. Elle a testé les anti-inflammatoires, porté une genouillère, et même fait quelques exercices – sans grand résultat. Elle désespère, et vous regarde avec un espoir muet : « Est-ce qu’on peut vraiment faire quelque chose ? »
Et si le problème était moins quoi faire, mais comment le faire, quand et combien de temps ? Et surtout : quel type d’exercice choisir ?
Ce blog vous révèle ce que 217 études scientifiques nous disent sur les meilleurs exercices pour soulager, améliorer la fonction et préserver la qualité de vie.
✨Highlights
- L’exercice aérobique est la modalité la plus efficace pour la douleur, la fonction et la qualité de vie.
- Les exercices corps-esprit (Tai-Chi, Yoga) sont bénéfiques à court terme pour la fonction.
- Les exercices mixtes (renforcement + aérobique) sont utiles à moyen terme.
- L’efficacité varie selon la durée : court, moyen ou long terme.
- Aucune modalité ne présente plus d’effets indésirables que le groupe témoin : la sécurité est bonne.
📅 Introduction
Dans un monde où l’espérance de vie croît et où l’obésité progresse, l’arthrose du genou s’impose comme l’un des fléaux silencieux de la mobilité humaine. On estime qu’après 45 ans, près d’un tiers des personnes présentent des signes radiologiques d’arthrose du genou – et que la moitié d’entre elles vivent également avec des symptômes significatifs. L’arthrose n’est pas seulement l’usure mécanique du cartilage : elle traduit une complexité biologique, biomécanique et psychosociale : douleur chronique, limitation fonctionnelle, baisse de qualité de vie. Ces conséquences impactent tant la personne que l’ensemble du système de santé (figure 1 et 2).

Figure 1. Pathologie et physiopathologie de la gonarthrose
Sous l’effet de ces lésions, les chondrocytes produisent des métalloprotéinases matricielles (MMP-1, MMP-3 et MMP-13) et des ADAMTS (ADAMTS-4 et ADAMTS-5). Ces enzymes contribuent ainsi à la diminution des taux de protéoglycanes, d’aggrécane et de collagène de type II dans la matrice cartilagineuse en inhibant la synthèse de composants clés de la matrice extracellulaire, ce qui conduit finalement à la dégénérescence du cartilage.

Figure 2. Principaux symptômes de la gonarthrose. Les principaux symptômes de la gonarthrose comprennent la douleur, la raideur, la faiblesse musculaire et la diminution de la mobilité articulaire.
La douleur est toujours associée à une stimulation inflammatoire et jamais à une conduction nerveuse. La fibrose et les adhérences articulaires sont liées à la raideur. Un dysfonctionnement musculaire peut entraîner une faiblesse musculaire. Le pincement articulaire est lié à la diminution de la mobilité articulaire.
Référence: Zeng CY, Zhang ZR, Tang ZM, Hua FZ. Benefits and mechanisms of exercise training for knee osteoarthritis. Front Physiol. 2021;12:794062. https://doi.org/10.3389/fphys.2021.794062
Dans ce contexte, l’exercice thérapeutique se positionne depuis des décennies comme un pilier incontournable de la prise en charge non chirurgicale. Les lignes directrices internationales recommandent systématiquement « activité physique », « exercice structuré », et souvent « renforcement des membres inférieurs » comme traitements de première intention. L’intérêt de l’exercice repose sur plusieurs mécanismes : amélioration de la musculature stabilisatrice (notamment le quadriceps), réduction de la charge articulaire, amélioration de l’amplitude de mouvement, modulation de l’inflammation ou de la dégénérescence tissulaire. Des revues récentes rappellent que l’exercice peut, chez les sujets arthrosiques, réduire la douleur, améliorer la fonction et renforcer la qualité de vie.
Mais si la recommandation « fait de l’exercice » est bien établie, la question du « quel exercice », « quelle modalité », « quelle dose », « quand commencer », « durée du suivi » reste en suspens. Beaucoup d’études ont mixé les types d’exercice, omis de distinguer clairement les modalités (aérobie vs renforcement vs neuromoteur vs corps‑esprit vs flexibilité), ou limité leur suivi à un instant unique. Ainsi, plusieurs méta‑analyses ont noté que si l’exercice en général était bénéfique, la variabilité des résultats, la modestie des effets à long terme et le manque de hiérarchisation des modalités restaient des freins significatifs.
Référence: Lawford BJ, Hall M, Hinman RS, Van der Esch M, Harmer AR, Spiers L, Kimp A, Dell’Isola A, Bennell KL. Exercice pour l’arthrose du genou. Base de données Cochrane des revues systématiques 2024, numéro 12. Art. n° : CD004376. DOI : 10.1002/14651858.CD004376.pub4.
Prenons quelques exemples : une méta‑analyse de 2008 a comparé marche aérobie et renforcement quadriceps à domicile, et a trouvé que les deux réduisaient la douleur et l’invalidité, sans différence nette entre elles (Roddy et al, 2005: 10.1136/ard.2004.028746) . Une autre revue, en 2024, s’est attachée à comparer spécifiquement entraînement de force et entraînement aérobie et n’a pas trouvé de supériorité claire de l’un sur l’autre (niveau de preuve très faible) – Cabannillas-Gaera et al.2024, **https://doi.org/10.3390/healthcare12010033.** De même, une revue Cochrane toute récente indique que l’exercice « probablement » améliore la douleur et la fonction (preuves de certitude modérée), mais que les effets cliniques restaient de « signification incertaine » en regard des seuils minimaux d’amélioration importants (MID). Cochrane
Parallèlement, l’arsenal de modalités d’exercice s’est enrichi : non seulement marche et renforcement, mais aussi exercices neuromoteurs, de proprioception, corps‑esprit (yoga, Tai‑Chi), mixte (combinaison de composantes), aquatiques, à domicile, etc. Une revue de 2021 précise que les programmes d’exercice — allant de l’entraînement aérobie à la musculation, en passant par l’équilibre ou les exercices aquatiques — semblent sûrs et efficaces chez les patients atteints d’arthrose du genou, notamment pour la douleur et la force musculaire. PubMed+1 Une autre étude de 2023 a montré que les interventions à domicile (non supervisées) peuvent être aussi efficaces que celles en clinique, pour autant que l’adhésion soit assurée. BioMed Central
Et pourtant, malgré cette abondance de données, le clinicien ou le thérapeute reste confronté à des questions concrètes : « Quel type d’exercice prioriser ? » « À quel moment commencer ? » « Quelle modalité pour quel patient (âge, sévérité, comorbidités) ?» « Combien de temps faut‑il suivre ce programme pour espérer un effet durable ? » Ces interrogations sont d’autant plus importantes que l’arthrose est une pathologie chronique, évolutive, reposant non seulement sur des facteurs articulaires mais aussi sur des facteurs de style de vie, de comorbidité (obésité, sédentarité) et de qualité de suivi.
C’est dans ce paysage complexe que se situe la très récente méta‑analyse en réseau publiée dans le BMJ en 2025.
Ainsi, ce blog est l’occasion de faire le point : intégrer ce nouvel apport majeur dans un panorama plus large, démêler ce qui fonctionne vraiment, à quel moment, pour quel patient, et avec quelle modalité. Nous regarderons non seulement les résultats, mais aussi les implications pour la pratique clinique : comment traduire ces données en prescriptions d’exercice individualisées ? À quels éléments faut‑il prêter attention (durée, intensité, adhésion, sécurité) ? Et enfin, quelles sont les limites à considérer et les pistes de recherche à venir ?
Entrons maintenant dans le détail de ces résultats, afin de transformer la connaissance en action thérapeutique.
⚖️ Méthode
Cette revue systématique avec méta-analyse en réseau a analysé 217 essais contrôlés randomisés (n = 15 684 patients) comparant 7 types d’exercices (aérobie, renforcement, flexibilité, corps-esprit, neuromoteur, mixte, témoin) chez des patients souffrant d’arthrose du genou.
L’évaluation portait sur 4 critères cliniques (douleur, fonction, marche, qualité de vie) à 3 temps distincts : court (4 sem), moyen (12 sem), long terme (24 sem).
Les données ont été analysées avec un modèle fréquentiste de méta-analyse en réseau, selon les recommandations PRISMA-NMA, avec évaluation rigoureuse de la qualité méthodologique (RoB2) et de la certitude des preuves (GRADE).
📊 Résultats – Ce que révèle vraiment la science
Les résultats de cette méta-analyse en réseau sont d’une richesse rarement égalée dans le champ de la rééducation de l’arthrose. Avec 217 essais cliniques randomisés analysés, 15 684 patients inclus, et une stratification des effets à court, moyen et long terme, l’étude permet de dresser un véritable panorama temporel et modalitaire des bénéfices de l’exercice dans l’arthrose du genou.

Figure 1. Résultats de la méta-analyse sur la douleur et la fonction
🎯 Sur la douleur : l’aérobie en tête, la flexibilité en soutien
L’exercice aérobique ressort comme la stratégie la plus efficace pour soulager la douleur, avec des effets importants à court terme et confirmés à moyen terme sur la base de preuves modérées.
Les exercices mixtes et neuromoteurs montrent également des effets bénéfiques à moyen terme (respectivement −0,75 et −0,50), tandis que les exercices corps-esprit (−0,74) et de flexibilité (−0,62) apportent des effets plus modestes mais cliniquement intéressants (preuves faibles à modérées).
À long terme, ce sont les exercices de flexibilité / étirement qui dominent, confirmant leur valeur dans la gestion chronique de la douleur arthrosique.
🔧 Sur la fonction : aérobie, renforcement, corps-esprit… un trio gagnant
La fonction articulaire bénéficie d’une amélioration notable dès 4 semaines avec les exercices corps-esprit (Tai-Chi, Yoga) (0,88 ; IC 95 % : 0,03 à 1,73).
À 12 semaines, l’amélioration devient plus marquée avec :
- l’aérobie (1,78 ; IC 95 % : 1,05 à 2,51),
- le renforcement musculaire (0,86 ; IC 95 % : 0,53 à 1,18),
- et les exercices mixtes (1,07 ; IC 95 % : 0,68 à 1,46).
Des preuves modérées soutiennent également l’utilité des exercices neuromoteurs et corps-esprit à moyen terme.
Sur le long cours, les exercices aérobiques (0,87 ; preuve faible) et les programmes mixtes (0,56) maintiennent des effets bénéfiques.

Figure 2. Résultats de la méta-analyse sur la marche et la qualité de vie
🚶♂️ Sur la marche : du contrôle moteur à l’endurance
C’est l’exercice neuromoteur qui domine l’amélioration de la performance de marche à court terme (1,04 ; IC 95 % : 0,51 à 1,57), confirmant l’importance des exercices de coordination, d’équilibre et de contrôle moteur.
L’aérobie (0,85 à moyen terme) et les exercices mixtes (0,57 à long terme) prennent le relais ensuite, consolidant les acquis fonctionnels. Notons également les effets positifs des exercices de flexibilité sur la marche à moyen terme (0,53).
🌱 Sur la qualité de vie : priorité à l’aérobie et au mixte
La qualité de vie, souvent reléguée au second plan, est pourtant l’un des critères les plus parlants pour les patients. Elle s’améliore significativement avec :
- l’aérobie à court terme (1,53 ; IC 95 % : 0,47 à 2,59),
- et les exercices mixtes à moyen terme (0,52 ; IC 95 % : 0,25 à 0,79).
L’effet à long terme reste moins documenté, faute d’études avec suivi prolongé, mais la tendance générale reste en faveur d’une pratique régulière structurée.
🔒 Et la sécurité dans tout ça ?
Bonne nouvelle : aucune des modalités testées ne présente de risque supérieur au groupe témoin. Même les intervalles de confiance les plus larges ne signalent pas de danger clinique avéré.
Autrement dit, prescrire de l’exercice est non seulement utile, mais aussi sûr, même chez des patients âgés ou avec comorbidités, à condition d’individualiser les charges et modalités.
🧩 Conclusion
Les résultats de cette méta-analyse sont sans équivoque : l’exercice, bien que varié dans ses formes, offre des bénéfices tangibles pour les patients atteints de gonarthrose. Mais parmi toutes les options disponibles, l’exercice aérobique s’impose comme la modalité la plus efficace et la plus constante, que ce soit pour soulager la douleur, restaurer la fonction ou améliorer la qualité de vie.
Toutefois, les autres types d’exercices ne sont pas à reléguer. En fonction du profil du patient, des combinaisons intelligentes (renforcement + flexibilité, ou neuromoteur + aérobique) peuvent renforcer les effets à moyen et long terme.
La sécurité des interventions, confirmée par l’absence d’effets indésirables majeurs, conforte l’idée que prescrire de l’exercice est à la fois une démarche efficace, éthique et peu risquée.
🏥 Changements à mettre en place au cabinet
Voici des actions concrètes à déployer rapidement pour intégrer ces données à votre pratique :
1. Structurer les prescriptions :
- Marche 30 minutes, 3x/semaine → aérobique de base.
- Renforcement quadriceps, fessiers, ischio-jambiers 2x/semaine.
- Exercices de proprioception/neuromoteur : debout sur coussin, yeux fermés, 1x/semaine.
- Routine de flexibilité à intégrer en fin de séance ou au découcher.
2. Adapter aux profils :
- Patients sédentaires ou débutants : commencer par de la marche et du Tai-Chi.
- Patients actifs : viser les combinaisons aérobique + renforcement + flexibilité.
3. Suivre dans le temps :
- Réévaluer les effets à 4, 12 et 24 semaines.
- Fixer des objectifs de douleur, fonction et activités spécifiques (score KOOS/WOMAC).
4. Documenter les programmes :
- Fiches patients à remplir – Note sécurisée
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Référence:
Yan L, Li D, Xing D, Fan Z, Du G, Jiu J, et al. Comparative efficacy and safety of exercise modalities in knee osteoarthritis: systematic review and network meta-analysis. BMJ. 2025;391:e085242. doi:10.1136/bmj-2025-085242.

