Une explication orientée sur la pathologie peut augmenter immédiatement la douleur ressentie.
🧕 Cas clinique qui interpelle
Jean, 45 ans, coureur loisir, consulte pour une douleur au tendon d’Achille qui persiste depuis plusieurs mois. Il n’a pas arrêté de courir mais a réduit sa charge d’entraînement. Lors de sa première consultation chez un confrère, on lui montre son échographie et on lui parle de « dégénérescence tendineuse chronique ». Depuis, il craint de sauter ou courir sur terrain dur.
Aujourd’hui, il vous demande : « Est-ce que mon tendon est fichu ? »
Et si c’était notre façon d’expliquer les choses qui était en cause ? Une étude rigoureuse publiée en 2025 dans le Brazilian Journal of Physical Therapy explore cette idée de façon scientifique.
⚡️ Highlights
- Une simple explication centrée sur la fonction musculaire diminue la douleur ressentie lors de la charge.
- 12,3 mm de douleur en moins sur l’échelle VAS (0-100) pour les patients reçevant une explication non pathologique.
- Pas d’effet sur le temps de retour à la baseline douloureuse (Time-to-Ease).
- Stiffness plus élevée chez les patients ayant reçu l’explication centrée sur la fonction (différence moyenne : -1546 Nm−1).
- Même attente de douleur dans les deux groupes, mais réel différent ressenti après explication.
🎯 Introduction
Les modèles contemporains de la douleur intègrent les croyances et les attentes du patient comme modulateurs de l’intensité perçue.
Plusieurs études suggèrent que l’information diagnostique structurelle (imagerie, vocabulaire lésionnel) peut renforcer l’idée d’un corps fragile, accroître l’hypervigilance, et créer des comportements évitants. Jusqu’à présent, il manquait une preuve directe de l’effet immédiat de cette information sur la douleur en population clinique. C’est l’objet de cette étude sur 50 coureurs atteints de tendinopathie d’Achille.
🔧 Méthodologie
- Étude expérimentale randomisée, deux groupes parallèles, double aveugle (participants et analystes).
- 50 coureurs avec tendinopathie d’Achille moyenne (VISA-A < 80).
- Groupe contrôle : explication orientée pathologie tendineuse (modèle continu de Cook & Purdam).
- Groupe expérimental : explication centrée sur la sensibilité liée à des défauts de contrôle musculaire, sans mention de pathologie.
- Tests pré- et post-intervention sur douleur à l’effort (sauts), raideur de jambe, et temps de retour à l’état basal de douleur.
📊 Résultats en détail
😡 Douleur à l’effort
- Mesurée via VAS (0-100).
- Groupe « fonctionnel » : 25,4 mm post-intervention.
- Groupe « pathologique » : 36,7 mm post-intervention.
- Différence ajustée : 12,3 mm [95 % CI : 3,2 ; 21,5]
- → Effet clinique modéré, statistiquement significatif.
🏋️ Raideur du membre inférieur (stiffness)
- Estimée avec modèle masse-ressort.
- Groupe « fonctionnel » : 12 178 Nm−1
- Groupe « pathologique » : 10 280 Nm−1
- Différence ajustée : -1546 Nm−1 [95 % CI : -3296 ; +204]
- → Tendance vers une meilleure réponse neuromotrice mais incertitude statistique.
⏰ Time-to-Ease (retour à baseline de la douleur)
- Aucune différence entre les groupes.
- Médiane de 10 s dans chaque groupe.
🤔 Anticipation de la douleur
- Prédiction avant les sauts égale entre les groupes :
- 36,3 vs 37,0 mm (diff. ajustée : 0,6 mm [95 % CI : -8,8 ; 9,9])
🧐 Discussion et implications cliniques
- Le simple fait de dire à un patient que son tendon est dégénéré augmente immédiatement sa douleur.
- L’explication alternative, centrée sur la fonction musculaire, favorise une perception de contrôle, diminue la douleur et possiblement améliore la fonction.
- Cela renforce les modèles bayésiens de la douleur : la perception est un calcul probabiliste entre sensation, attentes et contexte.
- Le langage est une intervention à part entière, comme le sont les exercices.
🔢 En cabinet : ce que vous pouvez appliquer dès demain
👊 Changer le discours
- Parlez de « tendon sensible » plutôt que « tendon abîmé ».
- Utilisez des métaphores fonctionnelles : « le tendon est victime d’un déséquilibre en amont ».
📘 Standardiser vos explications
- Créez des scripts prêts à l’emploi pour chaque pathologie.
- Utilisez des visuels positifs : des tendons actifs, sportifs en mouvement, au lieu de schémas de déchirures.
🧠 Renforcer l’agentivité du patient
- Valorisez la capacité du tendon à s’adapter.
- Décrivez une stratégie de rechargement adaptée.
✅ Bonus TOHA :
- Intégrez dans vos bilans la façon dont le patient comprend son diagnostic.
- Prévoyez des consultations d’éducation avec reformulation ciblée.
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Référence : Travers NJ et al. The content of diagnostic information has an immediate effect on pain with loading in people with midportion Achilles tendinopathy: a randomized clinical experiment. Brazilian Journal of Physical Therapy. 2025. DOI: https://doi.org/10.1016/j.bjpt.2025.101244

