LCA : Vous attendez 9 mois avant d’autoriser vos patients Ă reprendre le sport pivot ? Et si ce n’Ă©tait pas le bon critĂšre ?
đ©ș Un cas clinique qui interpelle
Marc, 25 ans, footballeur amateur, vient en rééducation post-reconstruction du LCA. Il a entendu partout quâil doit attendre 9 mois pour rejouer. Mais voilĂ : il progresse trĂšs vite, coche toutes les cases fonctionnelles Ă 7 mois, et veut retrouver son Ă©quipe pour les play-offs.
đ€ Que faire ?
đ Vous basez-vous uniquement sur le temps ?
đ« Ou sur des critĂšres objectifs validĂ©s scientifiquement ?
Ce blog vous dévoile pourquoi le chiffre « 9 mois » ne suffit pas à lui seul et comment adapter votre prise en charge.
đ Les Highlights :
- â Les athlĂštes ayant terminĂ© leur rééducation sont 6 fois plus susceptibles de rejouer.
- â Le temps seul nâest pas un bon prĂ©dicteur du risque de rĂ©cidive.
- âĄïž Le respect des critĂšres objectifs est la clĂ© d’un retour rĂ©ussi.
Introduction :
Le dĂ©bat sur les dĂ©lais de retour au sport (RTS) aprĂšs reconstruction du ligament croisĂ© antĂ©rieur (LCA) dure depuis plus de 40 ans. Dans les annĂ©es 1990, un retour Ă 6 mois Ă©tait la norme. Mais en 2016, Grindem et al. publient une Ă©tude majeure : chaque mois supplĂ©mentaire post-opĂ©ratoire rĂ©duit le risque de re-blessure de 50 %. Cette donnĂ©e bouleverse la pratique, et conduit Ă l’Ă©mergence d’un seuil symbolique de 9 mois.
Des recherches suivantes renforcent cette vision : reprendre avant 9 mois multiplie par 7 le risque de rupture du greffon. Certains prĂŽnent mĂȘme une reprise au bout de 12, voire 24 mois, pour garantir la « ligamentisation » du greffon. Mais cette approche ne tient pas compte du profil fonctionnel rĂ©el de l’athlĂšte.
Le dilemme est donc double :
- Cliniciens : veulent Ă©viter toute nouvelle lĂ©sion â recommandent la prudence.
- AthlÚtes : veulent rejouer vite, retrouver leur niveau, leur identité sportive.
La question est alors : peut-on envisager un retour plus précoce sans compromettre la sécurité ?
Les critÚres objectifs de sortie sont venus enrichir la prise de décision. Tests de force, symétrie, proprioception, confiance : ils permettent une analyse fonctionnelle. Mais dans la pratique, leur usage reste inconstant.
Les Ă©carts sont flagrants selon les pays : entre 22 % et 95 % des praticiens autorisent un RTS avant 9 mois. Les chirurgiens eux-mĂȘmes, bien quâattachĂ©s aux donnĂ©es, ne les appliquent pas toujours faute de moyens logistiques. Le facteur temps reste dominant dans de nombreuses dĂ©cisions.
Or, le temps seul nâest pas une garantie de succĂšs. Certaines Ă©tudes montrent que des patients reprenant le sport 25 jours plus tĂŽt que leurs pairs ont un risque accru de blessure… sauf chez les professionnels, oĂč la qualitĂ© de la rééducation compense ce dĂ©calage.
Ce qui manque souvent ? Une prise en compte de lâadhĂ©rence Ă la rééducation, des complications, et de lâĂ©tat rĂ©el de lâathlĂšte.
Cette nouvelle Ă©tude du British Journal of Sports Medicine se penche sur ces angles morts, en suivant plus de 500 athlĂštes sur deux ans. Elle Ă©value Ă la fois le respect des critĂšres objectifs, lâadhĂ©rence au protocole, la date de retour au sport… et le risque rĂ©el de rĂ©cidive.
Lâobjectif : dĂ©terminer si le respect des critĂšres permet un retour anticipĂ© sĂ©curisĂ©, et comment cela doit orienter la pratique clinique moderne.
đ MĂ©thode :
Une Ă©quipe de chercheurs a suivi 530 athlĂštes masculins pratiquant des sports pivotants (foot, basket, handball…) pendant 2 ans aprĂšs reconstruction du LCA. Tous ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s dans un programme de rééducation standardisĂ© et ont passĂ© des tests rĂ©guliers jusqu’Ă l’Ă©valuation finale.
CritÚres analysés : adhérence à la rééducation, complications, niveau pré-blessure, date de retour au sport, respect des critÚres de sortie fonctionnels (symétrie de force > 90 %, symétrie de saut, absence de douleur, etc.).
Des analyses statistiques ont permis de comparer le risque de récidive selon que le retour à la pratique se faisait avant ou aprÚs 9 mois.
đ RĂ©sultats : ce que nous dit vraiment la science
đ Retour au sport : une question de progression, pas de chronomĂštre
Deux ans aprĂšs leur chirurgie, 72 % des athlĂštes ont pu retrouver leur sport pivot. Ce chiffre grimpe Ă 90 % chez ceux qui ont menĂ© leur rééducation jusquâau bout et validĂ© lâensemble des critĂšres fonctionnels.
Lâanalyse montre une vraie logique de « dose-rĂ©ponse » : plus les athlĂštes avancent dans leur programme, plus leurs chances de reprendre augmentent.
Voici les facteurs les plus déterminants :
- â AdhĂ©rence au protocole de rééducation : x3,7 de chances supplĂ©mentaires de retour.
- đ« Absence de complications durant la rééducation : x2,5.
- đą Validation des critĂšres de sortie (force, symĂ©trie, confiance…) : x5,7 â un facteur clĂ©.
Les athlÚtes compétitifs ont également montré un meilleur taux de retour que les récréatifs, suggérant que la motivation et les enjeux de performance influencent la persévérance.
đ Le cap des 9 mois : un mythe sans fondement ?
Sur les 190 athlÚtes ayant validé les critÚres de sortie, une question centrale restait : revenir avant 9 mois est-il dangereux ?
Les données sont limpides :
- Aucun sur-risque de blessure pour ceux revenus à †9 mois comparé à ceux revenus plus tard.
- Risque relatif de nouvelle blessure au genou : HR = 0,89
- Risque relatif de nouvelle rupture du LCA : HR = 0,71
âĄïž Conclusion : le fameux « dĂ©lai de 9 mois » nâest pas protecteur en soi. Ce nâest pas le moment du retour qui compte, mais lâĂ©tat dans lequel lâathlĂšte y revient.
đ©ș LĂ©sions post-reprise : quelles sont les vraies statistiques ?
Ă 2 ans de suivi :
- 9,1 % des athlÚtes ont subi une nouvelle lésion du LCA :
- 5,7 % ipsilatérales
- 3,4 % controlatérales
- 4,3 % ont prĂ©sentĂ© d’autres blessures aiguĂ«s (mĂ©nisque, cartilage, ligaments collatĂ©raux).
Un point dâattention : lâĂąge jeune reste un facteur de vulnĂ©rabilitĂ©. Les athlĂštes ayant subi une nouvelle lĂ©sion du LCA Ă©taient en moyenne plus jeunes (21,8 ans contre 24,8 ans chez les autres).
đą Conclusion :
đč Le temps seul ne protĂšge pas.
đč Ce sont les tests cliniques objectifs et lâadhĂ©rence aux Ă©tapes qui garantissent un retour sĂ»r et efficace.
đč Le concept de « temps minimal avant retour » est Ă abandonner au profit de trajectoires personnalisĂ©es et critĂšres fonctionnels standardisĂ©s.
đ§ Changements Ă mettre en place au cabinet :
- Cessez de vous baser uniquement sur le « temps ». Ne dites plus « 9 mois » comme seul indicateur. Le critĂšre temps doit ĂȘtre accompagnĂ© de preuves fonctionnelles.
- Utilisez les tests disponibles dans votre logiciel TOHA pour objectiver le retour :
- ACL-RSI : Ă©valuation de l’apprĂ©hension psychologique.
- KOOS / IKDC : retours patients sur les symptĂŽmes et la fonction.
- GRS / Score MARX : fonction globale et niveau d’activitĂ©.
- Tests fonctionnels clés :
- Side Hop Test (SHT)
- Single Leg Stance (SLS)
- Ischio/quad â symĂ©trie de force â„ 90 % (mesurĂ© par dynamomĂštre si possible)
- Symétrie des sauts

- Organisez la rééducation en phases de travail:
- Utilisez les outils de suivi de séance de TOHA pour tracker :
- Fréquence des séances + suivi RPE
- Exposition aux séances spécifiques sport
- Communiquez différemment avec vos patients :
- Expliquez les tests et les critÚres dÚs la 1Úre séance.
- Rassurez : « Si tu remplis tous les critÚres, tu peux rejouer plus tÎt. »
- Montrez leur progression avec des graphiques ou comparatifs via TOHA.
đ Besoin de valider vos patients avant leur retour sur le terrain ? TOHA vous fournit tous les outils cliniques et de suivi pour une dĂ©cision fondĂ©e sur des preuves.
đ AccĂ©dez Ă nos bilans LCA, directement dans votre interface TOHA.
Référence:
Kotsifaki R, King E, Bahr R, Whiteley R. Is 9 months the sweet spot for male athletes to return to sport after anterior cruciate ligament reconstruction? Br J Sports Med. 2025;59(10):667â675. doi:10.1136/bjsports-2024-108733

