L’asthme : Et si vous pouviez prĂ©venir des centaines dâexacerbations, rĂ©duire des hospitalisations inutiles et redonner une qualitĂ© de vie durable Ă vos patients… simplement en changeant quelques habitudes dans votre pratique au cabinet ? đŻ
L’asthme, souvent banalisĂ©, est une Ă©pidĂ©mie silencieuse. Mais la bonne nouvelle, câest qu’elle est loin d’ĂȘtre une fatalitĂ© â
đ©ș Un cas clinique qui interpelle
Imaginez : un adolescent de 15 ans, appelons-le Samir, arrive dans votre cabinet pour des difficultĂ©s respiratoires rĂ©currentes đ€
Il est en surpoids, vit dans un logement humide, pratique peu dâactivitĂ© physique, et ses symptĂŽmes sont de plus en plus frĂ©quents la nuit : toux, oppression thoracique, essoufflement đ
Son traitement actuel se limite à un bronchodilatateur utilisé à la demande, sans accompagnement, ni éducation à la maladie.
Sa famille pense quâil a juste « les bronches fragiles » đ, aucun professionnel ne lui a parlĂ© dâasthme, encore moins dâun traitement de fond. Pourtant, Samir rĂ©unit de nombreux facteurs de risque.
Et si, Ă travers une prise en charge proactive et interdisciplinaire, vous pouviez changer le cours de sa maladie avant quâelle ne devienne invalidante ? đȘ
đ Introduction
Lâasthme est bien plus quâun simple trouble respiratoire.
Câest une pathologie inflammatoire chronique qui entraĂźne une hyperrĂ©activitĂ© bronchique đ, des difficultĂ©s respiratoires fluctuantes đźâđš et, trop souvent, une altĂ©ration significative de la qualitĂ© de vie.
Longtemps perçu comme une maladie « de lâenfant allergique », lâasthme se manifeste pourtant Ă tout Ăąge đ§đ¶, dans tous les contextes socio-Ă©conomiques, et avec des phĂ©notypes variĂ©s đ§Ź.
Ce qui alerte aujourdâhui, câest la progression constante de sa prĂ©valence Ă lâĂ©chelle mondiale đš.
Des facteurs tels que lâurbanisation rapide đïž, le changement climatique đĄïž, le vieillissement de la population đŽ, et les inĂ©galitĂ©s dâaccĂšs aux soins đ„ contribuent Ă cette expansion.
Mais paradoxalement, nous disposons aujourdâhui de solutions efficaces â , validĂ©es scientifiquement đ, pour enrayer cette tendance.
Encore faut-il quâelles soient appliquĂ©es… et diffusĂ©esđĄ
- Lâasthme est aujourdâhui reconnu comme lâune des maladies chroniques les plus frĂ©quentes dans le monde, touchant environ 300 millions de personnes. Cette pathologie inflammatoire chronique des voies respiratoires, caractĂ©risĂ©e par une hyperrĂ©activitĂ© bronchique et des symptĂŽmes fluctuants (toux, sifflements, essoufflement), constitue une cause majeure de morbiditĂ© chez lâenfant comme chez lâadulte. Sa progression au XXIe siĂšcle nâest ni anodine, ni uniforme : elle reflĂšte Ă la fois les changements globaux de nos environnements (urbanisation, pollution, modes de vie sĂ©dentaires) et les inĂ©galitĂ©s criantes en matiĂšre dâaccĂšs aux soins.
- Les grandes Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques internationales â ISAAC, ECRHS et GAN â ont permis dâobtenir une cartographie plus prĂ©cise et comparative de la maladie Ă lâĂ©chelle mondiale. Ces programmes, ayant mobilisĂ© plus de 2 millions de participants dans plus de 100 pays, ont montrĂ© des Ă©carts de prĂ©valence allant jusquâĂ 60 fois entre certaines rĂ©gions. LâISAAC, par exemple, a mis en Ă©vidence des taux trĂšs Ă©levĂ©s dans les pays Ă hauts revenus comme le Royaume-Uni, lâAustralie ou la Nouvelle-ZĂ©lande, alors que lâAfrique subsaharienne, lâAsie du Sud-Est ou certaines zones rurales dâEurope de lâEst enregistraient des taux bien plus faibles. Pourtant, ces faibles prĂ©valences ne sont pas synonymes de moindre gravitĂ© : les taux de mortalitĂ© sont souvent les plus Ă©levĂ©s dans les pays Ă faibles revenus, lĂ oĂč le diagnostic est tardif, les traitements essentiels inaccessibles, et les structures de soins fragiles.
Ce paradoxe rĂ©vĂšle une double urgence : dâun cĂŽtĂ©, des pays surmĂ©dicalisent les formes bĂ©nignes ; de lâautre, des millions de personnes vivent et meurent sans jamais avoir Ă©tĂ© correctement diagnostiquĂ©es ou traitĂ©es.
Les causes de cette inĂ©galitĂ© sont multiples : pauvretĂ©, barriĂšres culturelles, absence de formation des professionnels, faible disponibilitĂ© des mĂ©dicaments (notamment les corticoĂŻdes inhalĂ©s et les associations avec formotĂ©rol), prix prohibitifs (jusquâĂ 4 jours de salaire pour un mois de traitement dans certains pays), et inĂ©galitĂ©s structurelles persistantes.
Mais lâasthme nâest pas quâun problĂšme de diagnostic ou de traitement. Câest aussi un rĂ©vĂ©lateur de facteurs environnementaux et sociĂ©taux profonds : la pollution atmosphĂ©rique (notamment le NOâ et les particules fines), les infections respiratoires virales prĂ©coces (RSV, rhinovirus), lâexposition passive au tabac (y compris pendant la grossesse), lâobĂ©sitĂ©, lâalimentation ultra-transformĂ©e, la sĂ©dentaritĂ© croissante, et mĂȘme certains environnements professionnels (400 substances asthmogĂšnes identifiĂ©es) participent Ă son dĂ©clenchement ou Ă son aggravation. Certains profils sont particuliĂšrement vulnĂ©rables : enfants exposĂ©s Ă des logements insalubres, personnes ĂągĂ©es isolĂ©es, populations autochtones ou en situation de prĂ©caritĂ©, etc.
En parallĂšle, de nouveaux enjeux Ă©mergent : la hausse des cas dâasthme Ă dĂ©but tardif chez les personnes ĂągĂ©es, lâaugmentation de lâasthme sĂ©vĂšre rĂ©sistant aux traitements standards, ou encore le manque dâĂ©tudes sur les effets de la pollution dans les pays Ă faible revenu. Le lien entre urbanisation et prĂ©valence dâasthme devient de plus en plus Ă©vident, tout comme le rĂŽle protecteur de certains facteurs prĂ©coces (vie Ă la ferme, diversitĂ© microbienne, absence dâhygiĂ©nisme excessif).
Et pourtant, lâasthme est une maladie quâon sait traiter efficacement, notamment grĂące aux stratĂ©gies validĂ©es par la GINA (Global Initiative for Asthma), qui recommandent une prise en charge progressive intĂ©grant dĂšs le dĂ©part un traitement anti-inflammatoire (ICSâformotĂ©rol en reliever et MART). MalgrĂ© cela, dans la plupart des pays Ă faible revenu, plus de 60 % des patients symptomatiques ne reçoivent aucun traitement de fond, faute de disponibilitĂ©, dâinformation ou de moyens financiers.
En somme, lâasthme incarne Ă lui seul les tensions entre progrĂšs scientifique et accĂšs inĂ©galitaire Ă la santĂ©, entre maladies dites « banales » et rĂ©elles causes de handicap, voire de dĂ©cĂšs Ă©vitables. Le rapport du Lancet invite Ă repenser notre approche : prĂ©venir, informer, rendre les soins accessibles, et surtout, ne plus considĂ©rer cette maladie comme acquise ou anodine.
đ§Ș MĂ©thode
Les donnĂ©es que nous analysons proviennent de lâinfographie du Lancet Respiratory Medicine (2025), qui sâappuie sur des revues systĂ©matiques đ, des donnĂ©es issues de la charge mondiale de la maladie (GBD) đ, et sur des Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques internationales comme ISAAC (enfants), ECRHS (adultes jeunes), et GAN (toutes tranches d’Ăąge et zones gĂ©ographiques) đ.
Ces travaux combinent des mĂ©thodes quantitatives standardisĂ©es đ (questionnaires, tests fonctionnels respiratoires, prick-tests) et une approche comparative entre les pays et les rĂ©gions du monde. Ils mettent en Ă©vidence les tendances Ă long terme, les disparitĂ©s de diagnostic et de traitement, ainsi que les perspectives d’amĂ©lioration đŹ
đ RĂ©sultats
đ DonnĂ©es Ă©pidĂ©miologiques mondiales
Lâasthme touche environ 300 millions de personnes dans le monde đ·, avec des taux de prĂ©valence extrĂȘmement variables : de 1 % Ă 3 % dans certaines zones rurales dâAsie ou dâAfrique Ă plus de 18 % dans certaines grandes mĂ©tropoles occidentales đą.
Les Ătats-Unis, le Royaume-Uni, lâAustralie ou encore le Portugal figurent parmi les pays les plus concernĂ©s.
Ă lâinverse, les taux de mortalitĂ© les plus Ă©levĂ©s sont observĂ©s dans des rĂ©gions oĂč la prĂ©valence est faible, comme lâInde, le Bangladesh ou lâIndonĂ©sie â ïž.

Evolution de la prĂ©valence de lâAsthme au cours des annĂ©es.

đ§Ÿ Ătudes ISAAC, ECRHS et GAN
- ISAAC a rĂ©vĂ©lĂ© des diffĂ©rences de prĂ©valence entre les pays đ, avec une mĂ©thodologie standardisĂ©e permettant une comparaison interrĂ©gionale fiable â .
- ECRHS, concentrĂ© sur les jeunes adultes, a mis en Ă©vidence les liens entre sensibilisation allergique, tabagisme et rĂ©activitĂ© bronchique đ«.
- GAN, mĂ©ta-rĂ©seau mondial, confirme les tendances observĂ©es dans les Ă©tudes prĂ©cĂ©dentes et apporte des donnĂ©es cruciales sur les obstacles Ă lâaccĂšs aux soins đ§.
â ïž Facteurs de risque majeurs
Lâasthme est une maladie multifactorielle. Les principales causes sont :
- La gĂ©nĂ©tique, notamment lâatopie (70 % des enfants asthmatiques) đ§Ź
- L’urbanisation, qui expose Ă la pollution, aux allergĂšnes et Ă un mode de vie sĂ©dentaire đïžđïž
- Les infections respiratoires prĂ©coces, notamment Ă RSV ou rhinovirus đ€§
- Le tabagisme, y compris passif, qui augmente jusqu’Ă 70 % le risque d’asthme chez l’enfant đŹđ¶
- L’obĂ©sitĂ© et la sĂ©dentaritĂ©, liĂ©es Ă une augmentation de la sĂ©vĂ©ritĂ© de la maladie âïžđ
đ° AccĂšs aux soins et inĂ©galitĂ©s
Les traitements validĂ©s (notamment les corticoĂŻdes inhalĂ©s đš) sont encore trop peu disponibles dans les pays Ă faibles revenus. Le coĂ»t dâun traitement de base peut atteindre 4 jours de salaire minimum đž, quand il est disponible. Cela entraĂźne une sous-utilisation dramatique : plus de 60 % des adolescents et adultes symptomatiques dans ces rĂ©gions ne prennent aucun traitement de fond đ«
MorbiditĂ© liĂ©e Ă lâasthme

Evolution de la mortalité en fonction des années

đž Analyse financiĂšre : la preuve par lâexemple finlandais
Lâexemple de la Finlande dĂ©montre avec clartĂ© quâun investissement coordonnĂ© dans la prĂ©vention et la prise en charge structurĂ©e de lâasthme peut gĂ©nĂ©rer des Ă©conomies substantielles Ă long terme. Entre 1987 et 2013, le coĂ»t total par patient a Ă©tĂ© divisĂ© par plus de trois, passant de 2670âŻâŹ Ă 771âŻâŹ. Ce rĂ©sultat spectaculaire est notamment liĂ© Ă une chute vertigineuse des hospitalisations, dont le coĂ»t total est passĂ© de plus de 30 millions dâeuros Ă seulement 7,9 millions (soit 9âŻ% du coĂ»t de 1987), et du coĂ»t par patient de 364âŻâŹ Ă seulement 32âŻâŹ.
Ces gains ont Ă©tĂ© rendus possibles par un transfert des soins vers lâambulatoire â moins coĂ»teux mais mieux coordonnĂ© â dont le coĂ»t par patient est passĂ© de 310âŻâŹ Ă 119âŻâŹ, malgrĂ© une lĂ©gĂšre hausse du coĂ»t total dĂ» Ă une couverture plus large. Le seul poste de dĂ©pense ayant augmentĂ© est celui des mĂ©dicaments, dont le coĂ»t total a presque triplĂ© pour atteindre prĂšs de 98 millions dâeuros, ce qui reprĂ©sente 96âŻ% du niveau de 1987. Mais cette hausse est stratĂ©gique : en amĂ©liorant lâaccĂšs aux traitements de fond (notamment les corticoĂŻdes inhalĂ©s et associations ICSâformotĂ©rol), le systĂšme a pu rĂ©duire massivement les coĂ»ts indirects, notamment liĂ©s Ă lâabsentĂ©isme et aux arrĂȘts de travail, qui ont chutĂ© de 131,9 Ă 55,9 millions dâeuros, soit une baisse de prĂšs de 60âŻ%.
Au total, les coĂ»ts directs et indirects cumulĂ©s ont baissĂ© de 222 Ă 190 millions dâeuros, soit une Ă©conomie globale de prĂšs de 15âŻ%, dans un contexte oĂč le nombre de patients pris en charge avait pourtant augmentĂ©. En dâautres termes, la Finlande a dĂ©montrĂ© que mieux traiter plus de patients coĂ»te moins cher que de mal traiter une population plus restreinte. Une leçon Ă©conomique aussi convaincante que clinique.
đ§ Conclusion
Lâasthme est une maladie que nous savons dĂ©tecter đ, comprendre đ§ et traiter đ. Et pourtant, des millions de personnes vivent avec des symptĂŽmes Ă©vitables, des hospitalisations rĂ©pĂ©tĂ©es đ, voire des dĂ©cĂšs qui pourraient ĂȘtre prĂ©venus. Le problĂšme nâest pas le manque de solutions, mais leur inĂ©gal accĂšs, leur sous-utilisation, et une prise de conscience encore incomplĂšteđ
En tant que professionnels de santĂ© de premiĂšre ligne đ©ș, les kinĂ©sithĂ©rapeutes ont un rĂŽle essentiel Ă jouer : repĂ©rage đ, orientation đ§, Ă©ducation đŁ, accompagnement đ€… chaque interaction peut faire une diffĂ©rence. Et si nous faisions de cette pathologie une prioritĂ© ? đ
đ ïž Les changements Ă mettre en place au cabinet
- Mettre en place un questionnaire dâĂ©valuation du risque asthmatique lors des bilans initiaux đïž
- IntĂ©grer des modules dâĂ©ducation Ă la maladie : inhalation, observance, signes dâalerte đŁïž
- Collaborer avec les gĂ©nĂ©ralistes, pĂ©diatres, PMI et centres sociaux pour une prise en charge coordonnĂ©e đ€
- CrĂ©er ou participer Ă des ateliers dâactivitĂ© physique encadrĂ©e pour les enfants et adultes asthmatiques đââïž
- Fournir des fiches-conseils claires Ă destination des familles đ
- Utiliser les outils TOHA pour standardiser et tracer les actions de prĂ©vention menĂ©es au cabinet đ§Ÿ
đ§ Le comitĂ© scientifique TOHA a dĂ©codĂ© cette Ă©tude rien que pour vous â TOHATIENS !
đ Ne ratez pas lâoccasion de transformer votre approche clinique face Ă lâasthme ! đŒ
Références:
Jayasooriya SM, Devereux G, Soriano JB, Singh N, Masekela R, Mortimer K, et al. Asthma: epidemiology, risk factors, and opportunities for prevention and treatment. Lancet Respir Med. 2025 Aug;13(8):725â738. doi:

